Gouffre des Essarlottes

par Fred Martin

 

 

PLONGEE DU SIPHON AMONT DES ESSARLOTTES

 

Nous voilà bloqués dans le gouffre des Essarlottes tant à l’amont qu’à l’aval par des siphons, il est donc temps de mettre les palmes à l’eau.
Pour cette plongée du 16 février 2002, le Groupe Spéléologique du Doubs a motivé ses troupes. A l’entrée en discutant, lentement, on se prépare, Mouloud Koob en sortant les affaires de son sac nous prouve qu’il est un homme de terrain. Le temps passe mais nous sommes toujours en surface, Emmanuel RUIZ me parle calmement d’inertie du groupe, moi je pense plutôt que c’est le bordel désorganisé. Malgré tout je veille à ce que tous les kits mais également leur contenu prennent la direction de l’entrée de la cavité. Après ce long épisode chacun trouve son sac, et nous pouvons enfin nous diriger vers le gouffre.
Le portage s’effectue sans problème jusqu’au siphon, les 5 kits nécessaires à la plongée arrivent en bon état, une  grande partie du travail est donc faite. Petit désagrément, l’eau est  relativement trouble, les pluies de la semaine précédente ne sont pas étrangères à cette situation. Je m’habille lentement sous les yeux de l’équipe, certaines mauvaises langues disent que je suis un peu long, je crois qu’ils ont raison, mais aujourd’hui, je porte une partie de leurs espoirs et je ne veux rien laisser au hasard. Pendant que je m’équipe Mouloud part faire de la topographie dans une petite cheminée au dessus du siphon. Dans un grand fracas, nous le voyons brutalement nous rejoindre. En effet, lors de l’installation de son rappel un bloc a cédé et il ne s’est arrêté qu’à 2 mètres du sol, ouf !
 Enfin, je mets la tête sous l’eau, elle est vraiment peu claire, mais le courant sensible devrait m’aider dans la recherche du passage. Au bout de 10 mètres, je bute pourtant dans un talus d’argile, je remonte à la verticale et j’émerge dans une cloche borgne, les parois sont recouvertes d’argile, la suite est donc dans le siphon. Je retourne dans le courant et là je commence à remonter, je sens le courant sur mon casque et presque au même moment j’émerge au bout de 20 mètres de siphon. Coup d’œil furtif vers la galerie qui s’ouvre devant moi c’est grand ! ! Il me faut cependant un peu de temps pour trouver des amarrages pour  attacher mon fil et me déséquiper. Je pars ensuite dans la galerie. Elle est vaste de 3 à 4 mètres de diamètre, une branche d’arbre attire mon attention, d’où vient-elle ? Cependant au bout d’environ 100 mètres je suis à nouveau bloqué par un siphon, le masque que j’avais gardé m’aide à confirmer cette hypothèse. Je retourne donc chercher le matos abandonné à la sortie du S1. Petit portage réalisé dans de bonnes conditions, la galerie est vaste et j’ai sur mon dos 2 petites bouteilles de 3.5 litres. J’amarre mon fil et  je pars dans le S2.  Il est beaucoup plus vaste et le courant largement moins perceptible, ce qui me vaut d’aller me perdre dans quelques recoins forts « touilleux », après une légère pente j’entame une remontée sur un talus d’argile, illusion de courte durée, une remontée à la verticale du talus me fait taper dans la voûte. Je continue donc en profondeur, je me pose sur une pente de graviers qui descend en pente douce, j’attache souvent mon fil, mais je dois me rendre à l’évidence je ne franchirai pas le S2 aujourd’hui. Je fais donc demi-tour à 40 mètres de l’entrée et à – 11 mètres de profondeur. Le retour se fait poussé par le courant, il est tant d’aller annoncer la nouvelle aux copains qui doivent se cailler et sans qui cette aventure n’aurait pas été possible. Nous venons de rajouter environ 130 mètres de première et l’aventure pour les palmipèdes ne fait que commencer.
Ce n’est que durant l’année 2006 que je trouverais le temps de revenir à l’amont des Essarlottes. Les plongées dans ce gouffre étant conditionnées essentiellement par la météo. C’est en soirée que nous entrons sous terre un vendredi de février 2006, la météo annonçant une dégradation le lendemain.
Nous entrons donc sous terre à 20h20, la descente du matos est effectuée sans problème. Préparation et mise à l'eau, les niveaux sont corrects mais une fois de plus la visibilité est mauvaise (difficulté pour lire les instruments : obligation de s'arrêter et de les approcher très près du masque). Je franchis à nouveau le S1 (20m;-3) qui comporte une étroiture facile.
Derrière je parcours les 60m de belle rivière (que j’avais évalué à 100m !!!) qui me conduise au S2. Je pars dans le S2, la visibilité est toujours mauvaise. Arrivé à mon ancien terminus à 40 m par -11, je continue en rive gauche au plus proche de la parois, je descends une pente de graviers bien propres, je pense donc être dans la bonne direction, la boussole me confirme cela. Au bas de cette pente, à environ 40°, une étroiture me rebute autant que je puisse l'apercevoir. Je m'y lance tête en avant mais ne parvient pas à la franchir. Je reviens donc au point 45m et tente ma chance dans le bleue à l'horizontale mais c'est à nouveau l'échec. Je change donc de côté dans la galerie ce qui me ramène à l'étroiture. Je décide donc de la franchir les pieds d'abord. Je réussis cette fois à la franchir mais 1.5 m derrière, une nouvelle étroiture se présente plus basse encore, je n'arrive pas vraiment à en définir  le contour et ma position est malcommode. Au dessus de moi il semble y avoir un vide, je m'y engouffre mais me retrouve vite au milieu de lames qui empêchent toute progression.
Il y a un moment que je n'ai pas pu lire mes manomètres, je commence à avoir froid et j'ai encore du "boulot". Je rembobine jusqu'au point 40 m mon ancien terminus et reviens le S2 mesure donc 55m de longueur pour 13m de profondeur. Je réalise la topographie de l'inter siphons, y fait des photos et découvre un crane de bovidé encore orné de l'une de ses cornes (c’est en fait la branche d’arbre qui avait attirée mon attention à la première plongée !!!). Sur le retour je fais également la topographie du S1 en prenant beaucoup de temps pour écrire sur la plaquette et essayer de lire azimuts et profondeurs.
La découverte de galerie a été décevante, il me semble difficile de progresser plus en avant dans cet amont, cependant un passage doit bien être présent mais il faudra attendre de très bonnes conditions de visibilité pour entreprendre une nouvelle plongée.

La découverte du crâne a cependant rendu l’échec moins pesant, après analyse il s’avère qu’il s’agit d’un crâne d’Auroch.
La sortie se fera sans problème et s’est finalement à 2h00 du matin que nous arriverons en surface.
Merci aux copains du GSD et CDS 25 pour le portage du matos (comme ils n'étaient pas assez chargés, ils ont pris de quoi creuser un boyau et réalisé de belles photos, autant dire qu'à la remontée, il y avait des sacs pour tout le monde).